Vous avez rapidement travaillé sur des réalisations de grande envergure, malgré votre jeune âge… D’où vous vient cette assurance ?
Après deux ans chez Gilles & Boissier, j’ai voulu monter ma propre structure pour faire de l’architecture d’intérieur, mais avec la même qualité de projets. Afin de monter, dès le départ, une équipe avec des compétences et des ressources capables de répondre aux exigences de budgets conséquents, j’ai décidé de m’inspirer du modèle des start-up que l’on peut trouver dans la tech et de faire une levée de fonds… Cela n’a pas été facile au début, mais j’ai tout de même réussi à convaincre dix associés issus d’horizons très différents. Aujourd’hui, l’agence compte cinq membres permanents, ainsi que, bien entendu, des free-lances réguliers.
En quoi la restauration est-elle un terrain de jeu privilégié pour vous ?
On ne peut pas penser de la même manière un espace où l’on va vivre de manière pérenne et un espace où l’on va simplement passer une soirée… Dans un restaurant, on va se permettre plus de fantaisies, s’amuser à créer un décor et faire appel à des artisans pour créer un papier peint ou une moquette, réaliser des fresques ou des bas-reliefs. Dans le résidentiel, la décoration intérieure doit être plus apaisante, presque minimaliste.
Pour le Siena, vous avez imaginé des scénarios de son et lumière afin de créer une expérience immersive complète. Au-delà de l’assiette, quelles sont selon vous les clés d’une expérience réussie ?
Nous essayons de faire cohabiter deux ressentis parfois contradictoires : le grandiose et l’intime. Pour y parvenir, nous dessinons, entre autres, énormément de banquettes sur mesure. C’est un choix essentiel pour nous. Nous les pensons comme des canapés car nous avons la conviction que plus on enveloppe le client, plus l’ambiance est chaleureuse… Toutefois, le décor est indissociable de la lumière et de la qualité acoustique du lieu. Pour cela, nous travaillons avec des maîtres d’œuvre issus de la restauration festive. Dans les établissements que nous concevons, on peut dîner, boire un verre puis faire la fête. L’éclairage et l’intensité sonore doivent donc être différents selon l’heure de la journée.
Justement, avez-vous pour habitude de travailler en collaboration avec des chefs ?
C’est propre à chaque restaurant, selon l’implication du chef mais également du propriétaire des lieux. Souvent, cela se limite à des questions d’ergonomie et de confort ; parfois on a carte blanche et, de temps en temps, on travaille en lien étroit. Dans le cas du Muguet, rendez-vous historique de l’équipe et des supporters du Rugby club toulonnais, Armand Fabien, tête de proue de l’exploitation, avait pour sa brasserie une vision très bienveillante et inclusive de l’accueil et de la restauration. Notre challenge était d’en faire un lieu chic mais accessible au plus grand nombre. Dans l’architecture, cela se traduit, entre autres, par des banquettes larges et accueillantes, à l’image des plats, très généreux.
Où puisez-vous votre inspiration pour chaque projet ?
Cela dépend des lieux et des philosophies. Mais il s’agit avant tout de respecter l’architecture et le contexte tout en apportant une identité forte au restaurant. Par exemple, pour le Siena à Paris, situé sur la place du Marché-Saint-Honoré, nous souhaitions rester dans une inspiration parisienne, mais le client avait plutôt en tête l’idée d’un palace italien. Nous avons donc mixé moulures et esprit dolce vita.
Vous développez également une collection d’objets en série limitée en collaboration avecl’ébéniste Robin Poupard. C’est important pour vous de promouvoir l’artisanat français ?
Oui, c’est essentiel. Même pour nos projets de restauration, nous tenons à dessiner absolument tout le mobilier, de la chaise au guéridon, sauf si la temporalité est trop courte. Et dans ce cas, nous précédons à une curation très exigeante, notamment en termes de durabilité.
Quelles sont vos perspectives ?
Au printemps prochain, l’un de nos plus gros projets à ce jour va ouvrir ses portes : il s’agit d’un beach club en Grèce, sur lequel nous travaillons depuis deux ans et pour lequel nous avons tout imaginé de A à Z. Nous concevons également à Paris un restaurant avec boîte de nuit place de la Bourse, ou encore deux appartements dans le Marais. La prochaine étape serait de travailler sur un projet d’hôtellerie. J’aime l’idée de pouvoir conjuguer ma connaissance du résidentiel avec mon expérience de la restauration.