Michaël Malapert « J’aime travailler avec des chefs. Ils sont inspirants, font bouger les lignes. »

Designer et architecte d’intérieur par vocation, Michaël Malapert, épris de beaux volumes et passionné d’art, signe des projets à son image : érudits, humains et sensibles. Son approche transversale, portée par un souci d’authenticité, se distingue par sa capacité à se renouveler sans jamais perdre de vue ses engagements.
Article rédigé par
Céline de Almeida

Plutôt que de projets d’architecture, vous préférez parler de lieux de vie immersifs… Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?

Au-delà de concevoir des espaces dans lesquels les gens se sentent bien, il faut proposer une expérience, venir titiller les sens, créer une trace mémorielle… Même après avoir quitté un hôtel ou un restaurant, chaque client doit pouvoir emporter avec lui un souvenir, une empreinte, une vibration qui témoigne de son passage et lui procure, même a posteriori, une sensation de bien-être. 

Où puisez-vous votre inspiration ? 

Chaque projet doit faire sens par rapport à un contexte, tel que le passé du lieu, son environnement, des spécificités architecturales ou même une anecdote… Cela va nous permettre de raconter une histoire qui s’exprime à travers le choix des matériaux, de l’éclairage et de la décoration. Tous ces éléments vont entrer en résonance avec le projet. Et si le lieu est cohérent et raconte la même histoire, d’un coup, tout fait sens.

En quoi la restauration est-elle un terrain de jeu privilégié pour vous ? 

Je suis arrivé au début de la période Fooding, où les codes changeaient avec l’apparition des cuisines ouvertes, des chefs stars et des lieux expérientiels à la décoration pointue. C’était passionnant, car tout était à construire, et cela continue encore aujourd’hui. C’est un terrain de jeu en mouvement permanent !

La collaboration avec un chef est-elle différente de celle avec un restaurateur ? 

Un restaurateur va plutôt nous demander de créer un lieu immersif et percutant. C’est le cas du Lordy’s Paris Club où la carte est venue en résonance du décor, pas l’inverse… Un chef va avoir une idée plus précise de la manière dont il souhaite mettre en scène son travail et ses assiettes. Je pense notamment à Julien Duboué et à son concept de buffet de chef, Boulom, décontracté et bon vivant, que nous avons traduit avec des matériaux bruts et durables comme du bois massif marqué au fer. Tandis que chez Cédric Grolet, dont l’univers est plus maîtrisé, travaillé et pointu, à l’image de ses pâtisseries, nous avons installé des tables en pierre avec une bordure laiton.

Boulom, acronyme de Boulangerie où l’on mange, propose un buffet à volonté à partager sur ses généreuses tables centrales en bois brut.
Le Lordy’s Paris Club, repaire confidentiel niché au cœur de l’hôtel Sofitel Paris Baltimore Tour Eiffel, interprète les codes du bar anglo-saxon avec élégance.

Quels sont, selon vous, les éléments clés pour donner le ton d’un restaurant ?

Il faut créer un lien entre la cuisine et la salle, qui doivent se voir et communiquer entre elles, car les deux en bénéficient… En effet, c’est tout aussi important pour la cuisine de sentir l’énergie de la salle, que pour la salle d’avoir accès à la cuisine, qui fait partie de l’expérience globale du restaurant. Pour cela, nous pouvons décider d’aménager une cuisine ouverte ou, par exemple, de ramener une partie du dressage dans la salle. De manière générale, nous aimons également connecter l’intérieur avec l’extérieur, et réciproquement, notamment lorsque l’espace est doté d’une terrasse, d’un jardin, voire d’un rooftop.

Vous avez également signé l’aménagement de pâtisseries : celle de Cédric Grolet à Opéra, la boutique Manteigaria Paris… Quelles sont les spécificités de ce type d’espace ?

Dans les deux cas, nous avons mis en scène la fabrication des pâtisseries et des viennoiseries, plus précisément la cuisson et le dressage final, directement depuis la rue… Nous avons pu nous le permettre car en pâtisserie, contrairement à la restauration, il y a moins de graisses et les préparations sont beaucoup plus légères, et donc plus faciles à sortir du labo.

Avenue de l’Opéra à Paris, cette boulangerie-pâtisserie met en scène le savoir-faire du chef pâtissier Cédric Grolet, à l’image de ce miroir, clin d’œil à ses célèbres trompe-l’œil.
Pour le restaurant de l’hôtel Crowne Plaza Lyon – Cité Internationale, l’architecte signe Antipasto, un écrin gourmand aux couleurs chaudes avec un bar central en bois et marbre.

Comment intégrez-vous les questions environnementales dans vos projets ?

C’est un travail qui se fait en amont. Lorsque nous arrivons dans un lieu, nous allons analyser ce qui est présent, voir ce que l’on peut récupérer et réutiliser, par exemple casser un marbre pour en faire un terrazzo. Nous allons également éliminer les matériaux trop lointains, à cause de leur empreinte carbone, trop compliqués à recycler ou polluants et, bien sûr, privilégier les artisans locaux. Au fond, notre travail peut s’assimiler à celui d’un chef, mais sur l’espace… Comme eux, nous sélectionnons nos produits, comme eux, nous sourçons nos fournisseurs, et, comme eux, nous travaillons avec des artisans et une brigade.

Quels sont vos projets ?

Les Aéroports de Paris nous ont confié la création d’un nouveau hall à Orly 4, avec boutiques, restaurants, bar et boulangerie. Nous allons également livrer un hôtel à Madrid avec une partie restauration, ainsi qu’un hôtel particulier à Paris dans le Marais, sur lequel nous travaillons depuis plusieurs années et qui devrait enfin ouvrir ses portes !

Créatif, curieux et en phase avec son époque, Michaël Malapert mixe les styles, les matériaux et les influences pour offrir à chaque projet son vocabulaire esthétique unique.
Créateur engagé
Né d’un père architecte et d’une mère homéopathe, Michaël Malapert baigne dans le respect du vivant et l’art sous toutes ses formes dès son plus jeune âge. Diplômé de l’École supérieure d’art et de design de Saint-Étienne, il intègre les équipes de Philippe Starck avant de s’émanciper à l’étranger, puis de poser ses valises à Paris où il fonde Maison Malapert en 2007. Sa signature : des lieux de vie immersifs où l’esthétisme se met au service d’une histoire inédite et pérenne. En 2022, il crée au sein de son agence une entité responsable des projets bas carbone, Casa Malapert.
Julien Duboué, chef et fervent défenseur des produits locaux, fondateur de Boulom
« J’ai rencontré Michaël en 2012. Je cherchais un architecte plutôt jeune, accessible et sympa pour un projet de 250 m2 dans le centre de Paris. Quand j’ouvre un lieu, je sais ce que je veux, et il a su répondre à mes attentes, tout en étant force de proposition. Je l’ai recontacté en 2018 pour Boulom. Je savais déjà où je voulais mettre mon buffet, mes tables et mes chaises, mais c’est lui qui a tout dessiné, en répondant à mes envies, sans jamais émettre un avis négatif. Je l’ai vu évoluer, s’agrandir et s’émanciper ces dix dernières années, et j’ai découvert que c’était en plus un très bon manager ! »
Crédit photo :
Nicolas Anetson
Article paru dans le n°
8
du magazine.
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