Sans alcool, à consommer… sans modération

Longtemps confidentiel car jugé ennuyeux, le sans-alcool, ou NoLo, prend de la bouteille. Ce nouvel art de vivre à la française est surtout un marché en plein essor !
Article rédigé par
Salomé Dollinger

L’alcool perd de son cool. Et pas seulement au mois de janvier ! Si le dry january a été lancé au Royaume-Uni il y a dix ans, la sobriété s’exporte désormais tout au long de l’année : la Belgique a sa tournée minérale en février, le Canada son dry july, l’Australie son sober october… Le tout porté par une envie de modération, car 78 % des consommateurs de boissons sans alcool boivent aussi de l’alcool*. On les appelle les « flexidrinkers ».

Servi bien frais à l’apéritif, ce pétillant bio aux notes de rose et de gingembre se marie également à merveille avec un poisson gras. © DR

Contraction de « no alcohol » et « low alcohol », la mode anglo-saxonne du NoLo, qui consiste à arrêter ou réduire l’alcool, gagne du terrain dans l’Hexagone : sept Français sur dix consomment aujourd’hui du sans-alcool, et près d’un tiers des 18-24 ans n’aiment pas le goût des boissons alcoolisées**. Ainsi, la consommation d’alcool a diminué de 30 % en vingt ans***. Peu à peu, les professionnels se sont adaptés.

Le goût désormais au rendez-vous

Dès 1982, le groupe Pernod Ricard lançait « Pacific », la première référence sans alcool à base d’anis : « Le but était de créer une expérience de dégustation d’une autre dimension pour encourager une nouvelle dynamique », explique Isabelle Pernet, responsable innovation chez Pernod Ricard France. Il faudra attendre le début des années 2000 pour déguster la Kronenbourg Pur Malt, pionnière des bières sans alcool. Mais à l’époque, « les consommateurs pouvaient être déçus par le goût, admet Philippe Collinet, directeur de la communication externe de Brasseries Kronenbourg, car on limitait le développement des arômes en stoppant la fermentation ». Depuis, le brasseur alsacien a mis au point un procédé innovant pour désalcooliser la bière par évaporation à froid sous vide, à une température de 30 °C, afin d’en conserver les éléments organoleptiques. Ainsi sont nées les « blondes » 1664 et Grimbergen 0,0 %. Puis Tourtel Twist, en 2015, qui représente aujourd’hui près de la moitié du segment des bières sans alcool.

Délicat et sans sucre, le « Signature » rouge de la Maison Chavin accompagne aussi bien les mets charnus que les desserts chocolatés. © DR

Un succès hexagonal

Le marché mondial des vins sans alcool connaît une croissance significative : plus de 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2022. La France en est la locomotive, avec un bond de 25 %*. L’occasion pour les domaines viticoles d’élargir leur savoir-faire, à l’instar de la Maison Chavin, qui propose huit références sans alcool allant du blanc au rouge en passant par le rosé et les pétillants, faisant d’elle le numéro un des vins et effervescents sans alcool premium dans le monde.

NOOH by La Coste, Bulles de Jardins et Moderato suivent le mouvement avec brio. Côté mocktails remarquables, on peut citer JNPR, Sober Spirits, Artonic et Gimber. Des arômes aux flacons, ces boissons plaisir empruntent tous les codes classiques du vin et des spiritueux… l’alcool en moins !
De quoi faire fleurir une dizaine de caves spécialisées en France.

Les chefs s’y mettent

À Nantes, Jérôme Cuny, fondateur de La Cave Parallèle, fournit quelques restaurateurs : « Les propositions sans alcool sont aussi légitimes que les plats végétariens. » Un enjeu initié par les chefs triplement étoilés. Depuis 2019, Anne-Sophie Pic met des « boissons créatives » à la carte de ses restaurants. Mauro Colagreco, lui, vient de lancer Tempera, des assemblages sans alcool à destination des professionnels. Quant à Thomas Chisholm (ChoCho) et Clément Vergeat (Tracé), ils concoctent kombucha, kéfir et autres réjouissances maison pour assouvir cette soif de curiosité. Celle-là même qui a poussé Benoît d’Onofrio à devenir le premier « sobrelier » de France, où sobriété convole avec sommelier.

Kombucha au poivron, lait ribot… chez ChoCho, Rodolphe Despagne et Thomas Chisholm ont imaginé un accord complet sans alcool. © Antoine Motard
Dans sa cave sans alcool, ouverte à Nantes en mai 2023, Jérôme Cuny a regroupé « ce qui se fait de mieux », soit 400 références européennes ! © DR

* Étude IWSR sur le No&Low Alcohol, décembre 2022

** Étude YouGov France pour Martini®, décembre 2023

*** Étude Businesscoot 2021

3 questions à Solène Marchand, directrice de la catégorie « sans alcool » chez Pernod Ricar
Comment est née cette quête du mieux-boire ? Comme la cigarette électronique et le lait d’avoine, elle suit cette tendance santé/bien-être. L’idée, c’est d’être libre d’alterner boissons avec et sans alcool au gré de ses envies, même au cours d’une soirée. Quelles sont les dernières innovations ? Le gin sans alcool Ceder’s Classic a apporté une approche complémentaire à la cocktailisation. La recette a été retravaillée pour intensifier les goûts et les arômes. The Spirits Business lui a décerné la médaille d’or 2022 dans la catégorie Low & No-Alcohol. Quelles sont les perspectives de développement ? Les prévisions de croissance sont positives : le marché devrait doubler d’ici six ans. Pernod Ricard a d’ores et déjà investi dans une nouvelle chaîne de production à Thuir, entièrement dédiée au sans-alcool.
Crédit photo :
Antoine Motard, DR
Article paru dans le n°
6
du magazine.
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