Quel est votre parcours chez Frapin ?
Je suis arrivé au sein de la maison en 1991, d’abord en tant que directeur de la production. J’avais en charge la conduite de notre vignoble de 240 hectares. Avec Olivier Paultes, qui était le maître de chai à l’époque, nous formions une vraie équipe. Quand il est parti dans une autre maison de cognac, en 2011, j’ai pris le relais. La transmission s’est faite naturellement.
Avez-vous entrepris de grands changements ?
J’ai le privilège d’évoluer au sein d’une maison familiale, sans pression des actionnaires, où la pérennité fait partie de la culture d’entreprise. Nous travaillons sur le long terme, nous ne faisons donc pas de grande révolution. Nous avons juste comme objectif de continuer à produire des cognacs reconnus dans le monde entier. J’ai du temps, et c’est un vrai luxe. Seule la qualité compte.
La tradition est omniprésente, et pourtant vous innovez sans cesse ?
Effectivement. Nous avons lancé la septième version d’un multi-millésimes, un assemblage de trois millésimes (1990, 1991 et 1993) et, bientôt, le « 1990 », un cognac issu d’une seule et unique vendange, celle de cette année-là. Il a donc vieilli plus de 30 ans dans nos chais avant d’être embouteillé et mis sur le marché.
Le long vieillissement semble jouer un rôle déterminant dans votre processus d’élaboration ?
Oui, c’est la touche Frapin. Nous pouvons le faire car nous sommes une entreprise familiale. Prenons l’exemple du « 1990 » que nous sortons ce printemps : il a la particularité d’avoir séjourné au sein d’un chai humide pendant plus de trois décennies. Dans ce type d’endroit, l’évaporation se fait plus sur l’alcool que sur l’eau. Par conséquent, le cognac est plus rond.
Vous avez différents types de chais à votre disposition ?
Tout à fait. Deux nous permettent d’introduire de la variabilité dans nos produits : l’un est humide, l’autre est sec. Ces environnements différents influent sur le vieillissement des cognacs. Je joue avec ces deux variables car tous nos raisins ne proviennent que de notre vignoble, situé en Grande Champagne.
Comment élaborez-vous un cognac ?
En général, je pars d’une idée. J’effectue ensuite des dégustations à l’aveugle. Après cette étape, je sélectionne des échantillons. C’est le principe de l’entonnoir. Il me reste alors deux ou trois fioles, le plus souvent. Puis je prévois leur évolution en fonction du type de chai d’où elles sont extraites (sec ou humide). Pour notre cuvée « Plume », notre plus prestigieux cognac, j’ai effectué un assemblage de plus de 20 cognacs de notre chai Paradis, là où séjournent nos eaux-de-vie de plus de 60 ans d’âge.
Selon vous, le plus important, est-ce la vinification ou la distillation ?
Nous avons une chaîne de production très longue dans le cognac. Outre les deux procédés (vinification puis distillation), nous introduisons un long vieillissement. C’est un ensemble. Tout est lié. Il est certain que la partie agronomique est importante car elle prépare la distillation. Chez Frapin, celle-ci se fait avec les lies. C’est indispensable car nous avons la chance d’avoir des raisins issus de la Grande Champagne. Cela donne de la complexité et de la longueur. Quand le cognac est dans le verre, il va évoluer. L’apport des lies est primordial.
Vous travaillez seulement avec le cépage ugni blanc ?
Notre vignoble est composé à 99 % de ce cépage. C’est le meilleur, selon moi. Il est le plus régulier et le plus résistant. Mais je ne m’interdis pas des essais. J’ai planté 3,3 hectares du cépage folignan. C’est un croisement de folle-blanche et d’ugni blanc. Il est plus précoce, il apporte une touche aromatique intéressante, notamment sur sa jeunesse. Je ne l’utilise pas encore car chez Frapin, nous travaillons sur la durée. J’attends qu’il ait une vingtaine d’années. Mais je peux déjà affirmer que ce ne sera pas une révolution. Il va surtout apporter une touche de variabilité supplémentaire dans nos créations futures. C’est une innovation en douceur…