Jérôme Banctel « Le vin est au centre de ma cuisine »

Le chef Jérôme Banctel, nouveau 3 étoiles Michelin au Gabriel (le restaurant de l’hôtel La Réserve Paris), et son jeune sommelier Gaëtan Lacoste : un duo qui officie, de la cuisine à la table, dans le respect et la complicité.
Article rédigé par
Sylvain Ouchikh

Depuis quelques semaines, Jérôme Banctel fait partie du cercle très fermé des chefs pouvant arborer les 3 étoiles du guide rouge brodées sur leur tablier. La consécration d’un élan nouveau, débuté juste après le Covid et soutenu par toute une équipe, celle du Gabriel, et notamment le sommelier Gaëtan Lacoste. 

Gaëtan Lacoste, le jeune sommelier du Gabriel – à peine 30 ans –, aime surprendre ses hôtes avec des accords audacieux. © Geraldine Martens


Depuis quand travaillez-vous ensemble ? 

Gaëtan Lacoste (GL) : Cela fera 3 ans en juin. Le temps est passé très vite !

Jérôme Banctel (JB) : C’est moi qui ai recruté Gaëtan, j’ai fait du forcing pour l’avoir. Je cherchais un sommelier pour Le Gabriel. Il a commencé chez Lasserre et ensuite au Clarence chez Christophe Pelé. Nous étions à la sortie du Covid et restructurions pour aller davantage de l’avant avec la troisième étoile en ligne de mire. 

Pourquoi avez-vous souhaité venir travailler à La Réserve Paris ? 

GL : J’avais passé 5 années au Clarence, à Paris, en étant à l’ouverture du restaurant. J’ai vu cette maison grandir. Nous étions passés de zéro étoile à 2 étoiles d’un seul coup. Comme ici d’ailleurs. Quand Antoine Pétrus, le directeur de salle est parti du Clarence, j’ai repris la sommellerie. Puis, j’ai eu envie d’un nouveau défi. L’opportunité du Gabriel s’est présentée au bon moment après le Covid. Je voulais travailler au sein d’un hôtel de luxe et gérer la sommellerie. Je ne souhaitais pas rejoindre un très gros bateau comme le sont le Crillon, le George V… Ma personnalité n’est pas faite pour cela. Ici, c’est plus à taille humaine.

Jérôme, quelle est la qualité que vous appréciez chez Gaëtan ? 

JB : Gaëtan est un sommelier qui aime encore le contact avec les clients. Il aime servir, être en salle et non pas rester dans son bureau avec un ordinateur à gérer les commandes, les ventes, les sorties, les dégustations et hop, le soir venu, retourner tranquillement à la maison.

GL : J’aime le frontal, être confronté au goût du client afin de le satisfaire ou de le surprendre dans ses choix avec un vin dont il n’aurait même pas envisagé l’association avec le plat du chef.

En quoi cette collaboration a aidé à obtenir le graal de la troisième étoile ? 

JB : Il était important pour moi, lors de la restructuration de l’équipe, d’avoir une personne qui aime la salle. Nous exerçons un métier de service. Tout devait être parfait pour tenter cette aventure : aller chercher cette troisième étoile. L’important, c’est l’ambiance de la salle. Elle doit être professionnelle et sereine.

GL : J’avais besoin de ce nouveau challenge, d’avoir la confiance du chef et le sentiment de travailler en duo. J’avais eu des échos de la cuisine de Jérôme mais je n’avais pas eu la chance de venir déjeuner. Je connaissais son expérience. 

L’accord mets-vins est-il un objectif partagé ?

JB : Nous faisons régulièrement des dégustations ensemble. Il nous arrive d’aller dans le vignoble tous les deux. Le vin est au centre de ma cuisine. J’ai travaillé de très longues années avec Monsieur Senderens, le chef qui composait ses plats en réfléchissant aux vins qui allaient les accompagner. Il était innovant. J’ai été marqué par cette philosophie. Gaëtan est sensible à cela. On fait goûter aux équipes les plats qui sont sur la carte, on prend en compte toutes les réflexions et on change si cela ne va pas. Quand Gaëtan part sur un vin oxydé comme un jerez, sur un perdreau, il faut oser. 

GL : Mon métier a pris un sens différent quand je suis arrivé ici. Avant, je n’avais pas la chance d’être en connexion directe avec le chef. On ne se posait pas forcément pour goûter, pour échanger sur un plat précis. C’était focus sur l’assiette. Ici, tout est pris dans sa globalité. Je savais qu’il avait travaillé longtemps avec le premier chef-sommelier de Monsieur Senderens. D’où son exigence avec le vin ! C’était une motivation supplémentaire pour essayer d’atteindre un niveau supérieur.

Comment faites-vous pour faire « matcher » le plat et le vin ? 

GL : J’ai pris en volume en comprenant la construction d’une assiette avec Jérôme. À la lecture d’un plat, vous avez déjà des vins qui vous viennent en tête. Je fais appel ensuite à ma petite bibliothèque de parfums. On arrive facilement à 5 ou 6 vins que l’on a envie de confronter. 

JB : C’est en goûtant que l’on peut le savoir. Ce n’est pas possible autrement. Voilà pourquoi c’est un travail d’équipe. Il nous arrive de nous tromper. Alors on cherche et, à force, on trouve le bon accord. C’est sain de commettre des erreurs. 

Maintenant que vous avez obtenu la troisième étoile, quel est le prochain objectif ? 

JB : Il faut nous réinventer. Ne surtout pas rester sur nos acquis. On y travaille déjà.

GL : Être encore plus exigeants avec nous-mêmes afin que nos clients soient encore davantage satisfaits et surpris !  

Crédit photo :
Julie Limont, Géraldine Martens
Article paru dans le n°
7
du magazine.
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