El Floridita, à La Havane, est une institution. Depuis sa création en 1817, c’est le passage obligé de tous les amateurs de rhum. Derrière le long comptoir rouge, les barmen enchaînent avec dextérité les daiquiris frappés au rythme de la musique cubaine jouée par l’orchestre. D’une main sûre, ils saisissent le flacon, un rhum blanc Havana Club 3 ans d’âge, et le projettent dans le blender rempli de glace pilée. Ils patientent ensuite quelques secondes avant de servir leur cocktail dans de jolies coupes évasées. Au fond de la pièce trône une statue d’Ernest Hemingway. L’auteur du Vieil Homme et la Mer, écrit en 1951 à Cuba, aimait venir ici pour trouver l’inspiration.
Si les barmen locaux utilisent le rhum blanc de la marque Havana Club pour réaliser leurs différentes recettes, ce n’est pas par hasard, comme le confie le directeur général de Havana Club, le Français Christian Barré : « Havana Club fait partie du patrimoine national cubain. Il est surnommé ici “El Ron de Cuba” car il a été façonné par la culture, le climat, la géographie et l’histoire de Cuba. La fabrication du rhum fait partie du patrimoine national, grâce au savoir-faire artisanal transmis de génération en génération par les maestros del ron cubano – les maîtres du rhum cubain. »
Don José Navarro, qui s’est éteint en 2020, était l’un d’eux. Le plus grand, certainement ! Il est toujours considéré comme le père du rhum cubain moderne. En charge de l’élaboration des rhums Havana Club durant près de 40 ans, il incarnait bien cet état d’esprit quand il affirmait d’une voix posée : « Le rhum ne naît pas d’une combinaison magique. C’est un héritage culturel car il est, à l’image de Cuba, le fruit d’un mélange. Et nous recherchons la perfection dans ce mélange parce que nous sommes des métis, parce que le rhum est aussi une expression de ce métissage culturel. » En d’autres termes, chaque bouteille de Havana Club contient un peu du passé de cette île dont la forme évoque celle d’un crocodile.
Petit rappel historique. Dans les années 1970, suite à l’embargo décrété par les Américains, l’économie s’effondre. Le pays est mis à l’index, isolé de la communauté internationale, à l’exception de quelques nations communistes dont la Chine et l’URSS. Pour autant, la résilience fait partie de l’âme locale. Alors le gouvernement décide de créer un rhum qui pourrait endosser le rôle d’ambassadeur de l’art de vivre à la cubaine. C’est ainsi que la marque Havana Club est lancée, en 1976, dans une volonté d’expansion internationale qui commence par une identité visuelle forte : le logo apposé sur chaque étiquette représente le soleil qui brille sur l’île et la chaleur de ses habitants.
Produire du rhum de qualité constitue une première étape, mais pour diffuser un message au-delà des frontières, il faut aller plus loin et faire appel à un distributeur d’envergure mondiale. C’est là que le groupe français Pernod Ricard entre en jeu. En 1993, un accord est conclu avec Cuba Ron S.A. (la société qui élabore le rhum).
C’est la naissance de la Havana Club International S.A., une première dans le secteur alimentaire à Cuba. Les deux entités se fixent comme objectif de développer la marque Havana Club à l’échelle internationale grâce au solide réseau de distribution du groupe français. Pari gagné 30 ans plus tard car aujourd’hui, Havana Club, l’une des 13 marques du portefeuille Pernod Ricard (voir encadré), est une priorité pour le numéro deux mondial des spiritueux.
L’entreprise Havana Club International compte désormais plus de 600 employés dans l’île caribéenne, dont Asbel Morales, maestro en charge des rhums vieillis de la gamme Prestige « Iconica Havana Club ». Il témoigne de son attachement profond à cette marque et à son pays : « Le rhum est présent à chaque instant de la vie d’un Cubain. C’est ce que nous traduisons en rhum, afin de pouvoir dire que nous ne mettons pas seulement le rhum en bouteille mais aussi la culture cubaine. » Une valeur qui va donc bien au-delà du simple breuvage : le savoir-faire des « maîtres du rhum léger » a d’ailleurs été inscrit en novembre 2022 sur la liste représentative du Patrimoine immatériel de l’humanité de l’Unesco.