Vous avez contribué, notamment à travers vos collaborations avec l’Experimental Group, à bousculer les codes de l’hôtellerie et de la restauration. Concevoir des lieux de vie, c’est quelque chose qui vous anime particulièrement ?
Complètement. D’ailleurs, nous ne faisons que cela ! D’autant que les modèles ont bougé ces dernières années grâce à l’approche anglo-saxonne… Auparavant, les restaurants d’hôtel avaient pour seule fonction de nourrir leur clientèle. Désormais, ils sont également ouverts aux curieux de passage ainsi qu’aux habitants du quartier. Cela crée un brassage très intéressant, pour les locaux qui profitent de nouveaux lieux, mais également pour les touristes qui peuvent ainsi s’immerger dans la culture d’un pays. En outre, cela permet d’alimenter la partie hôtellerie par la partie restauration, et réciproquement.
Chacun de vos projets semble raconter une histoire très différente… Où puisez-vous votre inspiration ?
C’est la partie qui m’intéresse et me fatigue le plus, car nous nous imposons de toujours tout réinventer et de repartir de zéro, avec l’excitation et la prise de risque qui vont avec. C’est indispensable, car c’est ce qui nous permet de continuer à surprendre nos clients dans un monde suralimenté en images. Pour cela, nous réalisons des recherches sur l’architecture, l’histoire du lieu, son quartier, ses rues. L’idée derrière tout cela est de trouver un scénario qui va nous permettre de nous renouveler, de mettre de la passion dans chaque projet. Pour moi, les lieux ont une âme et doivent être respectés pour avoir un sens. Nous ne faisons jamais entrer de concepts au forceps, même si l’histoire que nous souhaitons raconter ne colle pas forcément avec les codes du moment.
En quoi les restaurants sont-ils des terrains de jeu privilégiés pour vous ?
Un restaurant, contrairement à un hôtel, est un lieu de passage où l’on va rester 2 ou 3 heures. On peut donc se permettre plus de choses… Pour autant, manger est un sujet très important en France, et plus généralement dans le bassin méditerranéen. Le confort, la manière dont on va faciliter le service et la place que l’on va donner à la cuisine sont primordiaux. Il y a des codes à respecter qui sont très clairs mais, pour le reste, on peut vraiment s’amuser.
Avez-vous pour habitude de travailler en collaboration avec des chefs ?
Pas du tout ! Bien sûr, les chefs sont très impliqués, mais ce n’est pas forcément eux qui vont avoir le dernier mot. Chacun a sa vision des choses : le chef est du côté de sa cuisine, et nous, du côté du client… Je suis obsédée par l’expérience client. C’est insupportable pour moi d’imaginer que quelqu’un qui décide de séjourner ou de dîner chez nous puisse être déçu. C’est pour cela que tout doit être parfait et pensé dans les moindres détails !
Quels sont, selon vous, les éléments clés pour donner le ton d’un restaurant ?
La première étape est de définir la position du comptoir, qui doit être au plus près du client. Il n’y a rien que je déteste plus que d’arriver dans un hôtel ou un restaurant et de ne pas savoir où me présenter. L’emplacement de la cuisine, ouverte sur la salle, est également fondamental. Nous nous arrangeons toujours pour que le comptoir anime une partie du restaurant et que la cuisine anime l’autre. Cela permet de créer des salles polyvalentes et festives où il se passe toujours quelque chose… Le second point est de ne pas créer de meubles volants. C’est pour cela que nous privilégions les banquettes, les niches et les alcôves, qui définissent les différentes zones et articulent l’espace. Lors de cette étape, nous prêtons particulièrement attention à laisser à nos futurs clients la possibilité de venir seuls ou en groupe… Après cette réflexion, qui nous prend le plus de temps, nous passons à la dernière étape : dessiner le mobilier. Mais ça, c’est le plus simple !
Quels sont vos projets du moment ?
Début juillet, nous ouvrons les portes du Regina à Biarritz. Cette institution de la région de style Belle Époque sera dotée de 72 chambres, d’une piscine, d’un spa
et d’un restaurant installé sous un immense atrium, tenu par le chef Grégory Marchand. Fin juillet, nous dévoilerons la rénovation du Cowley Manor, un ancien hôtel particulier situé dans la campagne anglaise à 1 h 30 à l’ouest de Londres, où Lewis Caroll aurait séjourné et eu l’idée d’écrire Alice aux pays des merveilles. Le restaurant sera placé sous la direction de Jackson Boxer, un chef passionné de bistronomie anglaise.