Une vaste salle à manger ouverte sur un jardin à la française, une pergola coiffée de fleurs colorées… le chef Quentin Testart ne pouvait trouver plus bel écrin que La Bauhinia, table du palace parisien Shangri-La, pour inaugurer sa carte estivale 2023, « Summer », tissée autour de saveurs océanes, d’influences asiatiques, évocations des grandes traversées… Un appel à l’évasion, assorti d’une playlist à la fois dépaysante et raffinée. « Nous avons opté pour une sélection musicale déclinée autour de l’indie pop électronique, des covers acoustiques, des inspirations latines proches de la bossa-nova…, explique Maxime Pellet, le directeur. Diffusée entre midi et minuit, selon deux intensités rythmiques, “midtempo” et “downtempo”, elle propose à la clientèle un voyage pétri d’exotisme, au cœur même du 16e arrondissement » Non loin de là, au sein de L’Oiseau Blanc, table doublement étoilée du prestigieux Peninsula Paris, la dernière fête de la Musique fut l’occasion pour le chef David Bizet de proposer un menu d’exception conjuguant mets de haut vol, grands vins de Bourgogne et concert de musique classique. Sur les Champs-Élysées, en fin de semaine, le Drugstore invite ses clients à danser entre les plats servis à table lors des « Late Nights » animées par un DJ guest choisi par l’agence de communication sonore Maison Sérieuse, qui a également réalisé la signature musicale de L’Abysse à Paris, le comptoir à sushis de Yannick Alléno.
« Loin de ne constituer qu’un détail du décor, la musique participe à asseoir le style, façonner l’identité d’un lieu, remarque Maximilien Niepce, fondateur de l’agence de design sonore Spectre, aux manettes des programmations musicales du groupe Paris Society. Au même titre que le mobilier, la vaisselle ou l’éclairage, elle accompagne le client dans la découverte des saveurs, incarne l’univers d’un chef, sublime ses partis pris culinaires », précise-t-il.
Une ambiance sonore bien choisie peut d’ailleurs constituer un atout majeur pour affirmer le style d’un établissement ou pour faire swinguer la tradition… a fortiori lorsqu’elle s’immisce là où on ne l’attend pas. C’est le cas au bistrot The Crying Tiger, à Paris : les recettes thaïes emblématiques (curry vert, brochettes de poulet sauce satay…) puisent un nouvel élan dans une programmation décalée (hip-hop old school, R’n’B, zeste de rap thaï) faisant voler en éclats les codes du restaurant asiatique traditionnel. Même constat du côté de la Brasserie des Prés, dernier opus parisien de la Nouvelle Garde installé dans le 6e arrondissement. Ici, les grands classiques de la cuisine française s’acoquinent de titres feel good et cadencés, entre pop-rock, soul, variété et pépites confidentielles, affirmant un esprit néobistrot décomplexé et éminemment actuel. De quoi se démarquer de la concurrence de manière audacieuse.
Certaines adresses n’hésitent pas à pousser l’expérience multisensorielle, et notamment sonore, jusqu’à son paroxysme, à l’instar de l’Ultraviolet by Paul Pairet à Shanghai, triplement étoilé, qui accompagne chaque assiette d’une atmosphère visuelle, olfactive et musicale très spectaculaire. À Paris, Under the Sea, du groupe Ephemera, soigne aussi sa mise en scène : ici et là, des écrans géants incurvés projettent des images de fonds marins en mouvement, tandis que des nappes de synthétiseurs aux rythmes ondulatoires, des chants de baleines poétiques, des bruissements échappés du fond des abysses plongent les convives dans une atmosphère enveloppante. Dans les assiettes, ceviche de daurade, tartare de thon, fish-burger sauce chimichurri complètent le parcours aquatique. Une parenthèse 100 % immersive.