Passer de la création d’un vêtement à celle d’un intérieur, est-ce faire un grand écart ? La première nourrit-elle la seconde ?
Il s’agit d’un exercice de volumétrie, de gestion des espaces, de construction, de jeux de matières et de couleurs. Il faut oser avoir son point de vue pour créer l’identité de marque d’un endroit. En ce qui me concerne, la mode et le design se nourrissent. C’est une danse d’inspirations et d’expressions. Quand je travaille un concept de restaurant, je me glisse dans la peau d’un comédien pour que le résultat soit vivant.
La décoration d’un restaurant vous autorise-t-elle des libertés et des audaces que vous ne prenez pas avec celle d’un appartement ou d’une maison ?
Je n’y pense jamais vraiment, mais dans les premiers pas de la création d’un concept de restauration, il y a ce jeu entre l’identité, qui doit être claire, et les circulations qui font qu’un lieu fonctionne. Un restaurant, c’est comme un petit théâtre, le spectacle est dans l’assiette, bien sûr, mais également dans la salle.
Un restaurant doit-il impérativement raconter une histoire, inviter son hôte à embarquer pour un voyage qui débute visuellement et se poursuit gustativement ?
Oui et non, cela dépend de la personnalité du chef et du type d’établissement, mais dans tous les cas, il doit être un lieu de bien-être qui vous emmène quelque part. Ça se joue à de petits détails qui vont créer une ambiance entre les couleurs, la lumière, l’art de la table, la configuration des espaces… c’est comme la recette d’un bon plat.
Ressentez-vous un attachement particulier pour Froufrou*, l’un de vos premiers projets de restaurant ?
Oui, bien évidemment ! Il était magique, il a connu un grand succès, même si aujourd’hui, malheureusement, il n’est plus. J’y avais mis beaucoup de cœur. Froufrou incarnait la pluralité d’un théâtre et plongeait le public dans l’inattendu. Le lieu était complexe, sans fenêtre, il a donc fallu revoir les espaces pour insuffler de la respiration tout en gardant l’intimité et la chaleur d’un bar d’hôtel.
Le miroir joue un rôle important dans la décoration de chacun de vos établissements. Est-il devenu un incontournable, votre signature ?
Je suis fasciné par sa capacité à créer des effets de perspectives et de lumière. Grâce à lui, on obtient de la profondeur, de la hauteur. Un incontournable, je ne sais pas, mais c’est presque un toc chez moi, j’aime essayer de pousser les murs et le miroir fait partie de ce travail visuel.
Chez Carmona, à Paris, sur le bord de la Seine, vous avez placé le miroir au plafond. Pourquoi ?
Pour donner de la hauteur à la véranda et créer un trouble ludique. Le décor sévillan se retrouve twisté comme dans un kaléidoscope, c’est une ivresse visuelle.
Andia Marseille fait la part belle à la végétation. Est-elle un autre élément fort de votre vocabulaire de décorateur ?
Pour Andia, l’idée était de recréer une jungle de la cordillère des Andes, « sous acide », c’est-à-dire vue avec un regard décalé, qui s’adresse autant aux adultes qu’aux enfants. Je me suis dit que je voulais une jungle comme dans une orangerie à Versailles, une orangerie qui serait devenue un club. On oscille donc entre la structure de brique et de pierre, splendide architecture, avec des détails de fresques comme dans un palais napolitain, et une abondance de végétaux où évoluent des animaux géants en métal et en bronze. Les luminaires sont de grandes fleurs colorées et les palmiers s’illuminent, comme à Palm Springs, avec un bar très gold fever. Andia est une enclave un peu hors champ dans mon travail de décorateur que j’ai aimé faire comme un comédien sortant de sa zone de confort ; je l’ai imaginée avec un regard d’enfant.
Votre prochain projet de restaurant ?
Je suis en train de refaire les deux restaurants d’un Relais & Châteaux en bord de Loire, Les Hautes Roches. Et je vais concevoir prochainement un restaurant Kaspia à Bodrum, en Turquie, dans la même veine que celui de Los Angeles.
Le restaurant que vous rêvez de réaliser ?
Je ne réfléchis pas dans ce sens, j’ai des idées que je garde dans mes tiroirs et qui sortiront peut-être un jour. Tout reste à venir pour moi qui aime les challenges. En décembre dernier, j’ai livré Lido 2 Paris. Une expérience passionnante. Inédite aussi car gigantesque et faisant cohabiter les aspects scéniques et techniques de ce nouveau rendez-vous du théâtre musical international. J’ai en moi cette exigence du client qui désire passer du bon temps dans un environnement d’exception.